Histoire et modalités d’attribution
A la fin de l’année 1813, les troupes de l’Empereur Napoléon Ier, se replièrent sur le sol français, face aux forces des armées coalisées, composées d’allemands, d’autrichiens, de prussiens et de suédois. L’armée impériale renforcée par des unités de gardes nationaux, essaiera vainement de stopper l’avance de ces forces étrangères ; et ce malgré de très durs combats, tel celui de la Fère-Champenoise. Nos troupes durent reculer et se replièrent sur la capitale. Près de 35 000 hommes, dont 12 000 gardes nationaux furent disponibles pour affronter les 150 000 hommes des armées coalisées. Le 30 mars 1814, les combats pour la défense de Paris commencèrent au matin mais, après de terribles assauts, l’ennemi bien supérieur en nombre pris le dessus, ce qui entraînera le maréchal MARMONT à capituler le lendemain. Dans les rangs de la garde nationale, l’on dénombrera 300 tués et 600 blessés.
Dès lors, l’ordre public sera assuré par la garde nationale jusqu’au 3 juin 1814, dans une capitale occupée par des unités autrichiennes, prussiennes et russes. Les troupes de la garde nationale arboraient jusqu’à présent la cocarde tricolore, mais à compter du 10 avril 1814, ordre leur fut donné de porter dorénavant la cocarde blanche.
En effet, le retour de la monarchie des Bourbons était réclamée par le conseil municipal de Paris et le conseil général de la Seine, les sénateurs proclamaient la déchéance de l’empereur, qui fut votée le 4 avril par le corps législatif. Le 5 avril Napoléon Ier abdiquait en faveur de son fils et le 11 avril ce fut la Convention de Paris.
Revêtu d’un uniforme de garde national, le frère du Roi Louis XVIII, le comte d’Artois nommé lieutenant-général du royaume, arrivait ce même jour près de Paris. Peu confiant en l’armée impériale restée fidèle à l’empereur déchu, il préféra s’appuyer sur la garde nationale constituée essentiellement par des bourgeois généralement commandés par des officiers d’origine noble. Le 12 avril, le comte d’Artois rentrait dans Paris escorté par 600 gardes nationaux parisiens. Puis le 3 mai, le roi arrivait dans la capitale, et le 13 mai nommait le comte d’Artois, le futur Roi Charles X, colonel-général des gardes nationales de France.
Dès l’arrivée du roi à Paris, des fabricants réalisèrent des petites médailles à l’effigie du monarque et à fleurs de lys, suspendues par des rubans blancs. Emblème du pouvoir monarchique retrouvé, ces médailles furent très vite adoptées, et il est fort probable que de nombreux gardes nationaux les portèrent dès la journée du 12 avril.
Un ordre du jour du comte d’Artois créa, le 26 avril 1814, la Décoration du Lys en faveur de la garde nationale de Paris. Elle devait être pour celle-ci « un signe perpétuel des services qu’elle a rendus, soit lorsque après avoir combattu pour ses foyers et, chargée seule dans la nuit du 30 mars de la garde et de la sûreté de Paris, elle a conservé au Roi sa capitale et à tant de familles leurs biens, la vie et l’honneur soit, lorsqu’en occupant outre ses postes ceux de la troupe de ligne, elle a offert l’exemple du dévouement et du sacrifice, soit, enfin, quand malgré ce pénible service elle a fait celui de la maison militaire du Roi et donné à la famille royale la satisfaction de n’être, pour sa garde, environnée de français. » Par ordre du jour, le 9 mai 1814, le roi approuva la création de la Décoration du Lys en l’étendant à l’ensemble des gardes nationales de France. Au fil du temps, son attribution sera sans cesse étendue. Très largement répandue dans tout le royaume, elle fut décernée par le roi, mais aussi par le comte d’Artois, le duc de Berry, le duc et la duchesse d’Angoulême ; puis des délégations de pouvoir furent données aux ministres, aux préfets, aux maires, aux généraux, etc. Malgré ces facilités, certains iront jusqu’à porter la décoration sans la moindre autorisation…
Après son retour de l’île d’Elbe, pendant les cents jours, l’Empereur Napoléon Ier, décrétera le 9 mars 1815, la suppression de la Décoration du Lys. La monarchie rétablie, les Décorations du Lys retrouvèrent évidemment le droit de cité. Mais à compter de l’ordonnance royale du 5 février 1816, la garde nationale parisienne se verra décerner, en remplacement du Lys, une nouvelle décoration appelée « Décoration de la Fidélité ».
La Décoration du Lys fut à tors souvent appelée Ordre du Lys. Portant, force est de constater que tous les textes officiels font mention de « décoration » et non « d’Ordre ». Même si à partir de 1824, elle fut contrôlée par la Grande chancellerie de la Légion d’honneur ; il n’y avait ni Grand Maître, ni chancellerie spécifique. Malgré cela, aujourd’hui encore, nombreux sont les ouvrages et les catalogues spécialisés dans les décorations, qui la dénomme « Ordre du Lys ». Pour l’anecdote, citons le cas de certains titulaires qui se firent appeler « Chevalier du Lys », mais furent rapidement tournés en dérision par des plaisantins qui les appelèrent alors « Compagnon d’Ulysse »…
Enfin, il est probable que l’on doit l’appellation d’Ordre du Lys à des monarchistes, qui voulurent de ce fait, rehausser le prestige de cette décoration, qui était remise aux gardes nationaux après avoir prêter le serment suivant : « Je jure fidélité à Dieu et au Roi pour toujours. » Seul les gardes nationaux étaient astreints au serment, qu’ils prononçaient, en général, collectivement lors de la remise de l’insigne.
L’attribution de la Décoration du Lys entraînait la remise d’un brevet officiel. Celui de la garde nationale de Paris était un document en parchemin de 40 x 50 cm, signé du comte d’Artois ; du général DESSOLLES, major général ; du général duc de Montmorency, aide-major général et enfin du colonel Gilbert de VOISINS, secrétaire du sceau. Les gardes nationales départementales recevaient quant à elles un brevet officiel propre à chaque département. Les attributions individuelles étaient généralement faites par lettres.
Sous Louis-Philippe, l’ordonnance du 10 février 1831, officialisera la disparition de la Décoration du Lys.
Bénéficaires
La Décoration du Lys récompensait les troupes de la garde nationale de Paris « officiers, sous-officiers, grenadiers ou chasseurs qui justifiaient d’avoir bien fait leur devoir » (ordonnance du 26 avril 1814 ) :
¨ les gardes nationaux non habillés qui justifiaient, soit d’être par leur fortune et par leur nombreuse famille hors d’état de faire la dépense de l’habillement, soit d’avoir été blessés dans la journée du 30 mars ou de bien avoir servi dans cette journée et toutes les fois qu’ils ont été appelés ;
¨ les officiers de santé qui justifiaient de ne s’être fait dispenser du service de la garde nationale, que pour faire un service utile aux gardes nationaux dans la journée du 30 mars et aux militaires blessés et malades dans les hôpitaux.
A partir de l’ordre du jour du 9 mai 1814, sont attribution fut étendue à l’ensemble des gardes nationales de France.
Puis elle fut décernée également aux fonctionnaires des diverses administrations, fonctionnaires publics, chefs d’administration, aux notables, aux membres de la députation, aux unités de l’armée dont les corps et détachements eurent l’honneur de passer sous les yeux du roi, aux officiers supérieurs et généraux, etc.
Bref, la Décoration du Lys, parfait symbole monarchique, fut donc très largement distribuée..